Poésie (fr)

 RES.SENTIR

Répondre aux exigences complexes et multiformes des relations internationales requiert une façon de se voir au monde, de s'y insérer. Spectatrice du tourbillon qui s'est épris de nos sociétés depuis ces dernières années, je vous propose une vision personnelle des divers sujets dont je m'empare professionnellement.

Cette première sélection de poèmes, écrit en 2020, provient d'un plus large recueil qui traite, entre autres, : du sentiment d'isolement durant la crise sanitaire, de l'anxiété qui en a résulté et des actions en faveur de l'égalité femmes-hommes en résonance avec le mouvement #Metoo. 

Dans un petit jardin vert


 

Dans un petit jardin vert et frais 

Derrière une cascade blanche 

Translucide est caché un trésor

Contenant les secrets de la Terre

 

Le soleil asperge de lumière 

Les nénuphars jouant sur l’étang 

Le jasmin rose embaume l’air 

Dans ce lieu hors du Ciel et du Temps

 

Le vent fait ployer les hibiscus 

Lourds dans une danse hypnotique 

Les magnolias déploient leurs corolles 

Au ruisseau clair qui vient les border

 

C’est un Paradis de la Nature 

Où chaque élément est à sa place 

Où par le vent bercé à vos cœurs 

Toutes les blessures s’effacent

 

Pourtant, seule une jeune nymphe 

À son reflet dans l’étang perdue

Ne prête attention ni aux trésors 

Ni à la volupté universelle

 

Assise sur un rocher vermeil  

Ses pieds frôlant le miroir de l’eau 

Songeuse, elle ne peut contempler 

Le jardin aux milles merveilles 

 

Seule, elle demeure dans ce bel

Habitat aux infinies couleurs 

Qu’elle ne peut apprécier – Tristesse - 

Sans celle qui loge dans son cœur 

 

Alors, sanglotant viennent ses pleurs

 Sur des larges fougères courbées 

Glisser mourir et disparaitre 

Dans l’étang bleu aux parfaits reflets. 

 

 

 

 


 

 

 

 

Monotonie 

 

 

Au silence dans les cavités profondes 

Poreux, l’écho rebondit à l’eau de l’onde

Frêle, il pèse sur l’instant retenu dans 

Un souffle – le temps d’hier est lourd et manquant. 

 

Isolée, loin de toi mon âme soupire 

Sa peine. Ô Chagrin le ciel gris s’étire 

À l’horizon sur les masses ouateuses blanches 

Au toit la pluie tambourine, c’est dimanche. 

 

La joue rosit par la fraicheur de la vitre 

Je contemple des heures la monochromie 

Des souches noires courbées aux roseaux pourris 

D’où se dégage un effluve de myrrhe. 

 

Longues minutes coulent sur l’ennui passé 

Entre les rayons fins la poussière valse 

Un thé au jasmin refroidit dans une tasse 

Laissant des taches brunes sur l’émail bleuté. 

 

 

 

 

 



 

 

 

 Promenade au Canal St Martin 

 

 

Le clapotement de l’eau sur l’ancre par le sel rouillée d’une petite embarcation à moteur à son anneau, accrochée. Les passants passent le soleil chatoie l’eau moirée. Il fait presque chaud on pressent venir l’été. 

 

Le vent glisse sa magie pour faire danser les vaguelettes sur les canaux aux bancs couverts de velours pourprés, lorsqu’une péniche dénommée Verdun fend la Seine verte provoquant sur son passage une onde qui vient lécher les quais. 

 

À toute allure ! un type pédale sur un vélo orange liqueur : Crac – il freine - un pavé a fait sauter son dérailleur, il s’arrête pour réparer sa chaine huileuse et repart en sifflotant ; les mains pleines de graisse noire sur son guidon flamboyant. 

 

Le long de la promenade sous les bouleaux blancs, des jeunes filles bras dessus, bras dessous, déambulent lascivement : elles admirent la vue et ignorent assis là un mendiant dont le chapeau défraichi possède un large trou au-dedans.

 

Soudain un col vert apparait tandis qu’une mouette s’enfuit. De ses ailes il s’approche d’un jeune homme noir, aguerri : il lui lance une pâquerette, à défaut d’un morceau de pain, Dégouté le canard repart bredouille, furieux d’avoir manqué le festin. 

 

Chantant au soir un bourdon rayé jaune et noir chatouille l’air, fiers et droits se dressent les scintillants lampadaires, se couchent les péniches aux volets clos décorant les quais, derrière lesquels on s’amuse à deviner, qui peut bien y demeurer. 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

Le gardien des canaux 

 

 

Là, assis sur un muret de crépis beige 

En retrait, un vieil homme mangé par les ans,

Contemple la foule dense d’un œil absent.

 

Il a épousé une rose à son chapeau 

Noire, arrachée au jardin après les grilles 

Hautes, cloitrant le pavillon blanc des canaux.

 

Dans sa main git un kebab froid dans lequel 

Il se met à mordre férocement. Repus 

Il se couche et porte à ses lèvres fumantes 

 

Lentement, une cigarette partielle 

Dont les volutes s’échappent vers l’inconnu,

Berçant peu à peu sa conscience flottante. 

 

Soudain - il tousse et tousse et crache par terre !

Maladroitement il se redresse hagard 

Plisse ses yeux ocres qui parcourent l’horizon ;

Rien - les passants passent et coule la Seine. 

 

Inchangée l’électricité habite l’air 

Alors ses muscles se décontractent au soir

Seul, il demeure sur le sol de sa maison,

Spectateur quotidien de la vie sereine.

 

 

 

 

 



 

 

 

 

 

Flou 

 

 

Flottement bruissant 

Orange et vert 

Orange puis vert 

Rouge à l’arrière 

Noir au-devant 

Quadrillage goudronné

Des ellipses tournoient 

Et des boites rectangulaires 

Viennent marteler les pavés droits 

 

 

Aux multiples lignes combinées 

Entremêlées anciennement parallèles 

Figées soudain se croisent 

S’interrompent puis se coupent

Dans un capharnaüm étouffant 

Au loin plus elles s’éloignent 

Plus la lumière jaune se tord 

Se tend dans un espace tourbillonnant 

Sous un tonnerre de ferraille 

Dans un siphon de métal brûlant

 

 

Flux d’automates 

Hubs de chiffons durs et froids 

1-2-1-2 

Rythmés à la seconde 

Pressurisés à la seconde 

01010

Toujours dedans toujours perdantes 

Inlassablement 

Par les temps qui courent 

Pour des idées immobiles

Discours micro-phonés 

Micro-pensées parasitées

Du bout des doigts martelées 

Sur des écrans frontières 

Où le bon sens occulté 

Par un brouhaha incessant 

Se rétréci sous les trous des tôles 

Abritant les effusions compactes 

Des mots paralysés endormis 

Sublimés d’un surcroit d’ennui

 

 

Tout en courbes et disjonctions

De bruits et d’odeurs incongrues

D’inconnu.es en tout genre en tout rôle 

La ville aux passant.es est ainsi faite 

Quand chutent du ciel gris noir 

Réfléchies par les rues en feu

Les inhumaines anomalies

Qui viennent se perdre 

Dans le fond de mes yeux ébahis 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

 

 

BERLIN

 

 

À la capitale prussienne les bruits de Berlin 

Réveillent les souvenirs d’une jeunesse tendre 

Et font échos aux images que je crus disparues. 

 

En plein mois d’août il règne une torpeur languissante 

Qui maintient la ville allemande à grand peine, 

Dans une dynamique mouvante vers le progrès. 

 

Il fait chaud et l’air lourd de particules fait suinter 

Les tonnes de blocs de bétons compacts jonchant les rues

Qui composent les sévères bâtiments staliniens. 

 

L’absence de touristes martèlent les murs vides 

Des musées et des échoppes qui se tiennent prêtes 

À accueillir un client qui n’arrivera jamais. 

 

Sur la place s’élève une fontaine de marbre

Où se rejoignent des couples qui sont en voyage

Arrosés par des enfants s’ébrouant dans l’eau claire.

 

Des calèches à chevaux se mélangent aux autocars

Des jeunes en noirs ingurgitent des litres de bières

Le feu des rôtisseries à kebabs embaume l’air,

 

Et le tram surtout jaune puis rouge qui surveille

Espion moderne, les ombres des passants serpentant

La ville à la recherche de nouveaux horizons. 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Pesanteur 

 

 

Au milieu d’un temps muet qui ne veut plus rien dire 

À l’ombre d’une aiguille qui se meut, incertaine 

Lente, vers un horizon flasque mou et terne 

Laissant l’espace suffisant pour le maudire. 

 

Cernée, seule, lasse à mon lit amidonné 

Par des nuits sans sommeil et des jours sans perspective

Immobile sur mon séant je gis avant de pourrir, 

Incapable d’agir incapable de mourir

 

Court l’instant déjà puis soudain vite s’échappe 

 

Le temps hors de portée file à toujours jamais

Entre nos doigts, coule dans nos sommeils sans rêves 

Dont les moments ancrés dans une histoire inconnue 

Seront aussitôt oubliés aussitôt vécus. 

 

Les jolis sentiments chassés ont disparu dans

Les souvenirs visqueux d’un lourd passé gluant. 

Ô folie ! il faudrait pour les faire revenir

Un sourire innocent, un honnête soupir !

 

 

 

 

 



 

 

 

 

Au creux d’une vague

 

 

Si près de la mer étoile blanche qui luit 

Sur le sable encor tiède la paupière close, 

Dans le creux qu’une vague a dessiné pour lui,

Bienheureux il dort, la mousse à sa lèvre rose. 

 

Les algues vertes embrassent ses mèches folles,

Les roulis du sable chantent la berceuse

Des éclats de rêves brisés et le cajole,

Attentif il écoute, la paume au ciel creuse. 

 

Tout est calme, la nuit, sous la lune morose, 

Dont l’ombre lui procure un peu de repos, 

Sur son frêle corps les rouleaux mousseux déposent

Un drap blanc d’écume qui lui fait un berceau. 

 

Soulagé, il fait face à l’océan bleuté

Le silence enveloppe l’enfant qui sourit, 

Orphelin nu, il baigne dans l’immensité

Enfin la tempête emporta tous ses soucis

 

 

 

 

 



 

 

 

 

 

Les bâillonné.es

 

 

Bousculez-les, n’ayez crainte !  

Si profondément ancrés dans l’Histoire, 

Leurs héritages aux noueuses racines

S’entortillent autour de vos cous. 

 

Depuis des siècles, les chaines à vos bras

Au sol vous maintiennent fermement, 

Et les drapeaux sur vos terres

Les maintiennent aisément 

À l’abri de toute danse, de tout vent,  

De mouvements, de révolution. 

 

Dénoncez-les, n’ayez pas peur !  

Dans ce monde où tout leur est permis

De marbre ils se sont érigés, établis 

Au-dessus des lois, au-dessus des prophètes. 

 

Solidifiés par la jouissance de leurs privilèges 

Ils ont renoncé à toute empathie 

Absents de honte, ils se sont accaparés 

Vos espaces, votre temps, vos esprits

Et ont confirmé la cruauté de leur cœur 

En bâtissant leur richesse sur votre malheur.

 

Poussez leurs portes, cassez leurs codes ! 

Dont les lignes rigides entremêlées 

Vous empêchent de bouger, de réfléchir, 

Agonisant.es, ils cherchent à vous aplatir. 

 

Bâillonné.es, ils vous prendront bientôt 

L’air, le droit même de respirer ;

Notre commun, la Nature est un cadeau, 

Il est de notre devoir de la préserver !

Refusons l’immobilité et cessons d’obéir 

Allons, il est temps d’oser et d’accomplir ! 

 

Réclamez plus fort ce qui vous est dû ! 

La raison et l’Histoire sont de votre côté !

Ne craignez pas de vous affirmer, 

De vous maintenir droit.es et de le demeurer. 

 

Enfin ne soyez pas tristes, soyez victorieux.euses

Car convaincu.es vous convaincrez ; La foule des indécis, le combat 

Déterminé.es, battant.es : vous gagnerez.

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

Le messages des Hélène

 

 

 

Dans un ciel sans nuages, Paris

Il fait beau, la place est prise,

Paris nous sommes là, nous vois-tu ?

Rassemblées, compressée, déterminées

Nous sommes venues pour toi, Paris

Te dire qu’il est temps que tu grandisses

Oh tes rêves de grandeurs – hubris-

Sont passés depuis longtemps, le pouvoir

Grandiose t’a fait perdre la tête, Paris

Il est temps que le monde change,

Nous sommes à tes portes, à tes places

Pour te crier le messages des Hélène.

 

Paris laisse nous, nous partirons

Ce n’est pas un retour ni une fuite

Nous partirons Paris, pour nous accomplir

Il est temps nous sommes prêtes

À voiture, à cheval, à pieds,

En tout temps, en tout lieu révoltées

Par ta faute, les femmes crient Paris

Les femmes te crient leur souffrance

Mais tu ne les écoutes pas, ton regard est sourd,

Embué, tu es collé dans ton être si bien que

Ton autre sera toujours une inconnue

Pour toi, si Paris tu ne nous écoutes pas.

 

La colère gronde, à tes barricades,

Sous le métro, les tunnels aux tours d’ivoires

S’effondrent, le temps a coulé sur les privilèges

Rouillés, les murailles de pierre sont effritées

Par le temps, le temps des femmes à genoux

Debout des femmes qui se sont levées

Pour te crier, leur soif, leur besoin

De liberté, oh Paris, nous ne voulions

Pas d’un amant, ni d’un roi, nous voulions

Partir, loin, trouver une terre hospitalière

Pour nous accomplir, Paris rend nous nos droits,

Paris il est temps,  Paris Nous sommes là.